Grève des Taxis du mardi 27/03 : « Je suis pour une économie de partage, pas de ravage ! »
La maxime utilisée par Jamal Ikazban n’est pas vide de sens et résume très bien les revendications des taxis de ce mardi 27 mars 2018.
Attention, autant vous dire qu’il s’agit là d’un sujet sensible et un tantinet complexe.
Suite à une interview accordée par le député régional Ikazban, nous pouvons clairement dire que ce représentant du peuple est bien installé sur son cheval de bataille ; la témérité !
Il prend le sujet des taxis très à cœur car il constitue pour lui un véritable drame humain. Plusieurs exemples et des méthodes empiriques ont étayé les propos tout au long de l’entrevue avec le député bruxellois.
« Le monde des taxis a souffert et souffre encore continuellement. 3000 familles vivent de ce métier à Bruxelles. C’est 1500 salariés et 800 indépendants avec licence qui se partagent un voire deux véhicules à Bruxelles » introduit d’emblée le conseiller molenbeekois par ailleurs.
« Cette souffrance est due, de manière générale à une mauvaise image infligée aux taximen mais aussi et plus importante à l’uberisation. En fait, il s’agit ici d’un nouveau modèle économique qui renvoie certains travailleurs à l’état d’esclavagisme. » emboite encore Ikazban.
« Le système Uber n’est tout simplement qu’une mise en concurrence anarchique des travailleurs entre eux. »
« Par exemple, pour Deliveroo, cette société n’est en fait guère adossée à un système de salariat. Les personnes qui y travaillent sont sous le couvert d’un statut « d’indépendant ». Quand on sait que se faire livrer une soupe à domicile peut coûter 8 EUR, j’émettrai de grosse réserve quant à la qualité de celle-ci. Tout à sachant qu’il y a derrière, un restaurant qui compose le produit, un système qui intègre les commandes et une livraison faite à domicile.
Plus important encore, il y aussi tout un aspect humain bafoué fortement. Les risques d’accidents routiers, du travail à la tâche (mission), tout ce mécanisme incrédule met les travailleurs en constante concurrence. Parce que le livreur qui livre le premier pourra faire appel à une autre commande dans le système. » décrit Jamal implacide.
« Le système Uber n’est tout simplement qu’une mise en concurrence anarchique des travailleurs entre eux.
Dans ce contexte, un travailleur de Deliveroo déposa un dossier à la Commission administrative de règlement de la relation de travail concernant son statut plus qu’improbable. Cette instance de décision officielle a estimé que le statut d’un travailleur chez Deliveroo n’est en fait qu’un faux-indépendant.
Quand le travailleur ne rentre plus dans le cadre limité de la société en vogue, alors il sera tout simplement ‘désactivé’. Par conséquent, il perdra donc son investissement de départ investi pour son vélo, moto ou voiture. »
« Quand au « plan taxi », le conseil économique et social conteste ce plan pour différentes raisons :
- Concertation encore partenaires sociaux absente
- Etude de la rentabilité inexistante !
Même la Cour de la justice européenne a tranché dans le sens d’une relation de faux-indépendants d’Uber. La Belgique combat l’évasion fiscale depuis des années mais laisse libre-court à ce genre de société dont les bénéfices se comptent à l’étranger.
Dans le sens pratique du terme, il est primordial de bien comprendre ce phénomène dans le cadre des Uber. » martèle encore l’homme fort des taximen.
Il faut distinguer deux catégories :
Transport ‘Taxi’ | Transport ‘Limousine’ |
Présence d’un compteur | Absence d’un compteur |
Achat d’une plaque taxi (+-50.000 €) | Transport de luxe avec un contrat |
Respect des normes taxi | Normes : |
Accréditation (formation) | – minimum 3h avec clientèle |
– minimum 90 € de gain/jour | |
VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur) ne peuvent pas stationner dans la rue ! | |
Obligation de se garer dans un garage privé |
« La grosse arnaque est que les chauffeurs Uber vont chercher leur licence en Flandre/Wallonie pour venir faire des courses majoritairement ici à Bruxelles. Effectivement, les licences bruxelloises sont encore inaccessibles.
Pis encore, ces chauffeurs acceptent des paiements cash alors même que c’est interdit !
Parallèlement à cela et encore moins acceptable, tout ceci est fait à l’instar des syndicats et des patrons qui sont bottés en touche.
Il s’agit ici d’une tragédie humaine car ces chauffeurs paient parfois des sommes astronomiques en renting de plus 600 €/mois. Les grosses caisses allemandes ont un coût évidemment !
Juridiquement, il y a clairement plusieurs flous juridiques qui profitent à Uber, entouré d’une armada des meilleurs avocats de Belgique, voire d’Europe »
« Parallèlement à cela et encore moins acceptable, tout ceci est fait à l’instar des syndicats et des patrons qui sont bottés en touche.
Prenons l’exemple d’une boucherie qui a pignon sur rue et qui donc, forcément, paie ses taxes et cotisations liées à sa fonction d’indépendant. Si le modèle ultralibéralisme devrait exister dans ce secteur, dès lors on pourrait se trouver nez-à-nez avec des échoppes de trottoir qui vendrait sa viande à même le sol !
On émettra d’énorme réserve quant à la qualité de la viande vendue sans compter la fraicheur de celle-ci.
Autre exemple, tout le monde connait Ryanair. Ce monstre du low-cost qui se constitue actuellement comme un véritable tremplin pour les pilotes qui font leurs premières heures de vol via cette plateforme.
Nous nous retrouvons donc dans une espèce de jungle dans lequel l’anarchie règne. » étaye dans son propos Jamal.
Le ministre flamand Pascal Smet doit rendre exécutoire des mesures de paiement de cotisations sociales à Uber et évider cette espèce de deux poids deux mesures qui rend ce modèle sans foi ni loi.
« Le progrès doit être au service de l’homme/femme et pas l’inverse ! «
« Dernier exemple, dans le secteur de l’alimentation, on a accepté de ‘bouffer’ n’importe quoi jusqu’à aujourd’hui. Et, c’est seulement maintenant qu’il y a une réelle prise de conscience du monde politique sur le sujet de la dangerosité de certains produits consommés. Le progrès doit être au service de l’homme/femme et pas l’inverse ! »
La manifestation des taximen aujourd’hui a pour but d’obtenir des revendications claires :
- la démission du ministre de la mobilité bruxelloise qui n’écoute plus les taxis bruxellois
- d’avoir une concertation avec le secteur des taxis
- de ne pas minimiser la force de réinsertion sociale à travers la profession de taxi
Les chauffeurs Uber peuvent même reconduire leur carrière dans les taxis. Il ne faut surtout pas omettre que l’endettement des chauffeurs Uber se fait de manière crapuleuse. En effet, si demain le chauffeur d’Uber était amené à ne plus pouvoir payer son renting de la voiture « achetée », des drames familiaux pourraient surgir.
Erkan Ozdemir / La Manchette