AgendaBelgiqueCulturesEconomie

Trahison au cœur du secteur des taxis bruxellois ?

Cet article fait suite à une investigation menée conjointement avec l’association des taxis bruxellois Elite Taxi Belgium (en la personne d’Adbelkarim Dari et de Jawad Zizaoui) et La Manchette.

La matière du secteur des taxis bruxellois est très complexe et très souvent méconnue du grand public. C’est la raison pour laquelle, un schéma synthétique retraçant dans les grandes lignes et de manière architecturale est mise à disposition ci-dessous.

De plus, il faut savoir que les taxis sont désormais dans une tourmente et donc fatalement malmenés par une mondialisation sauvage débridée qui fait des coudes en vue de s’intégrer dans un système avec ses habitudes.

Jusque là, le changement futile vers un monde qui change est légitime mais doit-il se faire aux dépens de travailleurs qui veulent garder la tête au-dessus de l’eau ?

Cette esquisse est validée par la tutelle des taxis bruxellois, c’est-à-dire le Service Public Régional de Bruxelles. Mais le nœud du problème se situe au niveau des Limousines (immatriculées T-L.., T-H.., T-R.., ou T-V..) qui ne sont pas reprises dans la catégorie des taxis immatriculé T-X.. .

Pour en revenir au fait qui nous occupe, le récit ci-dessous est assez interpellant et sujet à plusieurs tergiversations.

En effet, après analyse minutieuse authentifiée par exploit d’huissier de justice, les faits sont avérés.

En janvier 2019, deux taximans d’Elite Taxi Belgium font appel aux services du central téléphonique des “Taxis Verts”.

Voici les constatations officielles faites par l’huissier de justice :

« La partie requérante doit organiser le transport d’environ 35 personnes, ils vont contacter une plate-forme de taxis afin de commander des grands taxis type Van/minibus pouvant accueillir plus de 4 passagers par taxi. »

Le but final de cette manœuvre est de constater la teneur des véhicules taxis mis à disposition lors du fameux rendez-vous, du prix demandé et le mode de paiement demandé suite au transport de ces personnes.

La conversation lors de la commande par téléphone avec la réceptionniste de la centrale “Taxi Vert” se solde par la promesse de l’envoi de 6 véhicules pour les 35 personnes (ce qui équivaut à dire qu’il y a 6 personnes en charge par véhicule) .

Lors du lieu de rendez vous : « Quatre véhicules sont arrivés dont deux véhicules noirs, immatriculé T-Lxx-xxx, sans marquage de taxi ni autre indication sur la carrosserie et sans « spoutnik » lumineux de taxi sur le toit, le huissier souligne que ce ne sont pas des taxis, et deux autres véhicules, immatriculé T-Xxx-xxx avec le marquage des taxis bruxellois sur la carrosserie et spoutnik de taxi sur le toit».

« L’huissier embarque avec un témoin dans un des véhicules T-Lxx-xxx (le véhicule qui n’est pas un taxi). Il constate par ailleurs qu’il n’y a aucun compteur dans le véhicule.

Le témoin remet 45 euros en cash au chauffeur en fin de course qui lui remet un reçu, écrit à la main, et non imprimé à la machine. Le chauffeur lui remet sa carte de visite en lui demandant de lui adresser un mail s’il désire une facture.

« Les passagers ayant payé les trois autres véhicules déclarent à l’huissier qu’ils ont également payé 45 euros et que les chauffeurs leur ont juste donné le reçu qu’ils ont remis à l’huissier pour constatation. »

Il faut savoir qu’une course de taxi pour le même trajet coutera +/- 25 euros.

Suite à la complexité architecturale des transports bruxellois, La Manchette décide d’entreprendre des recherches plus poussées auprès de l’organisme de tutelle du transport bruxellois, l’agglomération (appelée aujourd’hui Service Public régional de Bruxelles).

Après la réalisation du tableau schématique (voire ci-dessus) du processus des transports par rapport aux éléments recueillis, La Manchette demande validation ou remarques éventuelles de la part dudit Service Public régional. Voici la remarque principale retenue dans le contexte sur lequel l’intérêt est porté  :

  • Pour la dernière ligne de votre tableau, je n’ai pas d’informations quant aux véhicules affiliés aux différents centraux. Mais les limousines, par définition, ne sont pas affiliées à un central téléphonique (c’est pour les taxis).

Ce dernier point confirme bien dès lors que les Limousines immatriculées par T-Lxx-xxx, T-Rxx-xxx, T-Hxx-xxx ou T-Vxx-xxx ne doivent pas être lier à quelconques centraux de taxis régionaux et donc a fortiori aucune accointance avec « Taxis Verts » (qui, je le rappelle, est un central de taxis).

Comment dès lors expliquer qu’un appel fait à « Taxis Verts » afin de prendre en charge un groupe de 35 personnes se traduit par l’envoi de 2 Limousines «  T-L. » parmi les véhicules commandés ? Alors même que le PV de l’huissier stipule bien que le requérant a bien demandé des taxis en principe immatriculés T-Xxx-xxx ?

Par ailleurs, après visite sur le site des “Taxis Verts”, il appert que ce central téléphonique indique clairement qu’il travaille uniquement avec les taxis officiels de Bruxelles-Capitale :

Dès lors, comment expliquer ce distinguo entre le fait d’intégrer clairement que le central téléphonique a son exclusivité uniquement avec des taxis officiels et que dans le même temps, il fait appel à des Limousines T-L quant à certaine commande ?

De plus, la tutelle de contrôle sous l’égide du Service Public Régional officialise textuellement  le fait que les Limousines T-L ne peuvent pas travailler avec les centraux téléphoniques.

A plus forte raison, après investigation auprès de deux élus socialistes (J.Ikazban et R.Chahid), spécialisés notamment dans la mobilité, il n’y a pas de doutes ! Les centraux de taxis ne devraient en principe pas fonctionner avec les centraux qui ne sont accessibles uniquement pourr les taxis régionaux. Il s’agit bien d’ailleurs d’un service qui coûte très cher aux taxis (environs 600 euros TTC/mois).

Sam Bouchal, réprésentant de la Febet (Fédération des Taxis), met aussi en évidence le fait que les taxis officiels doivent faire tourner le taximètre dès la prise en charge d’un client. Donc, le fait d’accepter un client sur base d’un forfait défini à l’avance (en l’occurrence 45 euros ici) est une pratique illégale tout en sachant que la course, quant à elle, ne dépasse très certainement pas ce montant.

Erkan Ozdemir / La Manchette