Allemagne : Une députée critique la motion sur les allégations arméniennes
AA/ Berlin
Une députée allemande, Bettina Kudla, a déclaré que la motion approuvée par le Parlement de son pays, reconnaissant les allégations arméniennes de « génocide » sur les événements de 1915, est susceptible d’accroître les difficultés de la mise en œuvre de l’accord Turquie-Union européenne, sur la question des réfugiés.
Bettina Kudla, députée du parti de l’Union chrétienne démocrate (CDU), a ajouté, dans un communiqué diffusé sur son site web personnel : « l’évaluation des événements historiques dans des pays étrangers, n’est pas du ressort du Parlement allemand ».
Kudla a été la seule voix au Parlement allemand, à s’être prononcée contre le projet de résolution reconnaissant les allégations arméniennes, qualifiant de « génocide » les événements de 1915.
«L’évaluation des allégations arméniennes sur les événements de 1915 incombe à la Turquie et non à l’Allemagne », a-t-elle affirmé, notant que le projet de résolution ne s’est pas fondé sur les travaux des historiens.
Le Parlement allemand avait adopté, plus tôt dans la journée, un projet de motion, qualifiant les événements de 1915 de « génocide arménien ».
Le projet de motion a été préparé par les Verts, l’Union chrétienne-démocrate (CDU) et le Parti social-démocrate (SPD).
// Que s’est-il passé en 1915 ?
Dans le but de créer un Etat indépendant, les nationalistes arméniens ont collaboré avec les troupes russes contre l’Empire Ottoman dès le début de la Première Guerre mondiale en 1914.
L’armée russe avait ainsi bénéficié d’un grand soutien des Arméniens, et ottomans et russes, lors de son invasion de l’est de l’Anatolie. Certains soldats arméniens de l’armée ottomane avaient même rejoint les rangs russes. Les troupes arméniennes avaient largement contribué à détruire les canaux logistiques de l’armée ottomane pour ralentir son avancée.
Les milices arméniennes ont surtout perpétré des massacres contre les civils des régions envahies.
Le gouvernement ottoman avait essayé de discuter, en vain, avec les représentants et les chefs de la communauté arménienne.
Les «comités arméniens» avaient au contraire multiplié leur action violente . C’est alors que le gouvernement a décidé, le 24 juin 1915, d’interdire les comités révolutionnaires et d’arrêter ou d’exiler certains des dirigeants arméniens.
C’est cette date qui a été marquée d’une pierre blanche par les Arméniens pour devenir celle de la commémoration de ce qu’ils appellent «le génocide».
Le 27 mai 1915, le gouvernement ottoman avait décidé, de déplacer les Arméniens vivant dans les zones de combat et ceux qui collaborent avec les Russes, en prenant toutes les mesures pour les protéger et répondre à leurs besoins pendant la migration. Mais le contexte de l’époque, la guerre, les conflits internes, la recherche de vengeance des populations locales, la famine et les maladies ont causé la mort de nombreux Arméniens.
Les archives démontrent que le gouvernement de l’époque n’avait jamais planifié cette tragédie et qu’il avait puni les responsables des crimes contre les Arméniens. Alors même que la guerre n’était pas finie, les auteurs de ces crimes avaient été en effet arrêtés, jugés et condamnés à la peine de mort.
// La nécessité d’une mémoire juste
L’objectif de l’Arménie et de la diaspora arménienne est actuellement, de faire reconnaître la tragédie de ce grand déplacement de 1915 comme «un génocide» afin de percevoir des indemnités.
L’Accord de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide définit le génocide comme la volonté de faire disparaître un groupe national, ethnique ou religieux.
La Turquie considère que les évènements de 1915 ne peuvent être reconnus comme tel et qu’il s’agissait d’«une tragédie commune» pour les parties concernées. La Turquie défend l’idée que ces parties doivent chercher à comprendre le contexte de 1915, et à faire preuve de respect face aux drames vécus par chacun dans une approche faisant appel à une «mémoire juste».
La Turquie propose qu’une commission composée d’historiens turcs, arméniens et internationaux, étudient les archives des deux parties et des pays tiers.
// Erevan n’a pas su se saisir de l’opportunité de normaliser les relations.
En octobre 2009, les deux pays ont signé, à Zurich en Suisse, deux protocoles pour développer à nouveau des relations diplomatiques et encourager les relations bilatérales.
Les protocoles prévoyaient d’étudier les sources et archives historiques pour élucider et surmonter ce différend, et de reconnaître puis rouvrir les frontières entre les deux pays.
Le gouvernement turc a transmis au parlement les protocoles pour leur ratification. Mais, pour sa part, le gouvernement arménien les a soumis à la Cour Constitutionnelle, qui les a trouvés contraire à la constitution.
En janvier 2010, l’Arménie a annoncé qu’elle les gelait, pour finalement les rejeter, cinq ans après, en février 2015.