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Schaerbeek, Café La Couronne : « Détruire une terrasse de presque 100 ans ! »

Le café-brasserie, connu depuis toujours comme établissement incontournable à Schaerbeek se trouve être dans la tourmente.

En effet, l’établissement de style rustique moderne, faisant le coin des avenues Rogier et Paul Deschanel, est mis en demeure par la commune de déconstruire sa véranda-terrasse.

Interrogé par La Manchette, le gérant-propriétaire Hakki Alp fait valoir ses arguments par rapport à cette situation d’apparence inextricable.

«  Actuellement, il existe une vue aérienne de mon établissement des années 1930 qui atteste clairement que cette véranda existait déjà à cette époque. On peut donc clairement conclure que ce n’est pas moi qui aie pris une quelconque initiative d’annexer une véranda à mon café-brasserie. La véranda en question a donc une histoire de quasi 100 ans !

Cette terrasse existe depuis près de 100 ans !

Plus proche de nous, après le malheureux incendie de 31 décembre 2016 (https://www.lamanchette.be/main/2017/01/01/cafe-la-couronne-a-schaerbeek-ravage-par-un-incendie-le-soir-de-lan-neuf/) qui a détruit tout mon immeuble, y compris le café, une enquête publique initiée par la Commune est apparue afin de reconstruire tout le bâtiment (habitations y comprises) et par la même de reconstruire mon café dans son pristin état.

L’enquête n’a abouti sur aucune plainte de voisinage. Donc, je ne pense pas que la partie du trottoir encore accessible (1m50) dérange outre mesure le voisinage ou même tout quidam qui passerait autours de ma véranda.

La Commune m’a demandé de sécuriser le bâtiment ravagé par le feu. Ce que j’ai fait en y incluant évidemment la véranda afin d’éviter tout accident qui mettrait en danger les citoyens. Ces travaux ont été exécutés rapidement afin de respecter la demande expresse de l’institution communale. Jamais, il n’a été fait mention de ne plus sécuriser la terrasse ou de faire fi de la reconstruire.

Pourtant, j’ai payé 3.500 € de taxe annuelle !

Parallèlement à tout ceci, je m’acquitte d’une taxe annuelle de +/- 3500 € dans le but de me défrayer de la location de l’espace véranda sur l’espace public. Cette taxe m’a encore été réclamée au mois de juin 2019 ! Facture que j’ai par ailleurs honorée comme chaque année depuis 2001 (date l’acquisition du bâtiment).

Dès lors, la question qui me vient à l’esprit est de savoir ; « pourquoi me demande t’on de payer une taxe pour une terrasse qui ne devrait pas exister aux yeux de la commune ? »

D’ailleurs, au mois d’avril, un fonctionnaire de la commune est bien venu prendre les mesures de la véranda en vue du calcul de cette facture. » énonce Hakki Alp, soutenu par la clientèle fidélisée par tant d’années d’activité.

Or, Hakki Alp continue à se poser des questions concernant le dérangement causé par sa véranda :

« Légalement, cette terrasse laisse un libre accès légal obligatoire de 1m50 pour le passage des piétons. Pourquoi, est-elle encore considérée comme interdite ?

D’autres restaurants ont toujours leur terrasse et ne sont pas inquiétés !

La commune invoque un réaménagement de la voirie pour la STIB mais à ce stade ci, il y a, à ma connaissance, encore aucun permis délivré par la Région dans le but de débuter ces travaux. Pourquoi cet acharnement ?

La commune me fait aussi prévaloir sa politique urbanistique nouvelle de mettre en ordre toutes les infractions d’occupation de l’espace public des surfaces commerciales (généralement horeca) et de faire détruire les terrasses sans permis d’urbanisme.

A ma connaissance, un restaurant italien de la place Meiser garde toujours en activité une énorme terrasse fermée sans être inquiétée outre mesure. Une autre taverne sur l’’avenue Eugène Plasky exploite une terrasse fermée avec un passage piéton de moins d’un mètre. Ce qui est illégal ! Ont-ils le même traitement auquel je dois faire face ?

« La région que j’ai visité à diverses occasions dans ce dossier m’a renvoyé à plusieurs reprises vers un arrangement avec la commune mais cette dernière me dit que c’est la Région, à travers la STIB, qui demande une destruction immédiate. C’est l’incompréhension générale !

Un permis pour exploitation de cette terrasse a été délivré dans les années 60 pour une durée de un an et avec révocation. Je suis d’accord avec ce fait. Mais quand j’ai acquis l’immeuble, je l’ai acheté avec sa terrasse et donc payer ce bien immeuble dans sa totalité. N’y a-t-il pas dès lors un vice de procédure lors de la passation de propriété ?

J’ai payé beaucoup d’argent pour reconstruire en respectant l’âme du restaurant

En outre, suite à l’incendie, un gros budget personnel a été déboursé pour remettre à neuf mon établissement. Sans oublier que j’ai toujours voulu garder l’aspect rustique de mon établissement avec des matériaux modernes. Tout le monde s’accordera à dire que les règlements des assurances ne sont évidemment jamais à la hauteur de l’investissement final (les travaux de reconstruction ont été réalisés par un maître-menuiser).

Enfin, plus émotionnel et tout aussi important à mes yeux, j’ai une clientèle multiculturelle qui n’est évidemment pas d’accord avec cette décision tragique et me donne heureusement un soutien énorme afin de faire front un maximum. Je profite d’ailleurs à travers cet article pour les remercier infiniment de leur soutien indéfectible. Il y a plusieurs générations de familles schaerbeekoises qui ont consommé dans mon établissement et les enfants, voire petits enfants, que je sers aujourd’hui sont dans l’incompréhension totale. , finit par expliquer Hakki Alp.

Après investigation auprès de l’ancien bourgmestre Bernard Clerfayt et l’échevin de l’urbanisme Frédéric Nimal, on peut rapporter que le dénouement ne fait pas l’ombre d’un doute ; cette terrasse doit partir !

Un Arrêté du bourgmestre avait été émis !

« A de nombreuses reprises, la Commune en a averti le propriétaire lui demandant de la retirer. Durant la nuit du nouvel an 2017, un incendie a endommagé l’ensemble du bâtiment.

 En date du 12/01/2017, un Arrêté du Bourgmestre a été émis afin d’interdire l’accès à l’ensemble du bâtiment jusqu’à remise en état conforme. Il a été clairement rappelé que l’annexe illégale étant sur la voie publique ne pouvait pas être reconstruite. Les travaux nécessaires aux logements aux étages sont rapidement réalisés et, en avril 2017, l’arrêté du Bourgmestre est partiellement levé et autorise l’accès à tout le bâtiment et déclare les logements habitables. Le service a constaté qu’une annexe était manifestement sur le point d’être reconstruite et est venu sur place pour faire cesser les travaux.

Le Collège a refusé les demandes de permis d’urbanisme

 En mai 2017, une demande de permis d’urbanisme est introduite dans le but d’autoriser la construction d’une terrasse fermée au rez-de-chaussée.

Le 08/05/2018, le Collège des Bourgmestre et Echevins a refusé le permis d’urbanisme sur base de l’avis défavorable de la Commission de concertation du 19/04/2018. Malgré ce refus et de nombreux avertissements, le propriétaire a décidé de réaliser la véranda souhaitée (plus grande que celle de l’époque).

 En date du 25/07/2018, la Commune a été notifiée de l’introduction d’un recours contre la décision du Collège des Bourgmestre et Echevins par le propriétaire de l’établissement auprès du Gouvernement.

La Région aussi refuse aussi le permis d’urbanisme

 En date du 04/10/2018, le Commune a reçu l’avis du Collège de l’Urbanisme relatif à ce recours. Celui-ci stipule que « le permis doit être refusé » car le terrasse couverte empiète sur la voirie publique et ne participe pas au bon aménagement des lieux.

 En date du 07/01/2019, la levée de l’arrêté du Bourgmestre émis le 12/01/2017 est notifiée par courrier aux propriétaires mais rappelle cependant à ceux-ci que la levée de l’arrêté ne régularise en aucun cas la présence de la véranda qui doit donc être démontée. Le 29/10/2018, il a été constaté que le propriétaire exploitant avait réalisé et terminé les travaux de reconstruction de la terrasse sans le permis nécessaire et que l’établissement était ouvert au public.

Schaerbeek : travaux d’office !

 En date du 06/11/2018, le Collège a confirmé le lancement de la procédure de travaux d’office suite à l’avis du Collège d’urbanisme et à la réouverture de l’établissement en l’absence des autorisations nécessaires et a approuvé le lancement d’un marché public pour la réalisation des travaux nécessaires en cas d’absence de réaction favorable du propriétaire.

 A ce titre, une mise en demeure a été envoyée au propriétaire ainsi qu’à la société exploitante, en date du 14/11/2018, accordant un délai de 30 jours pour prendre les dispositions nécessaires à l’enlèvement de la terrasse illicite. Aucune démarche n’est entreprise par le propriétaire exploitant pour remédier à l’infraction.

 En date du 21/02/2019, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale confirme, en recours, le refus du permis d’urbanisme visant à régulariser la terrasse.

 En date du 23/07/2019, le Collège des Bourgmestre et Echevins de Schaerbeek a désigné une entreprise privée en vue de réaliser les travaux nécessaires vu l’absence de réaction favorable du propriétaire près de 6 mois après la confirmation du refus de permis par le Gouvernement.

30 jours pour tout démonter !

 En date du 12/08/2019, une réquisition est envoyée au propriétaire exploitant lui accordant un ultime délai de 30 jours pour procéder au démontage de sa terrasse.

 En date du 03/09/2019, un courrier de la société exploitante est réceptionné par nos services déclarant que les travaux seront réalisés par le propriétaire exploitant et débuteront le 24/12/2019.

 En date du 19/09/2019, un courrier recommandé est envoyé à la société exploitante, accusant réception de leur courrier mais stipulant qu’aucun délai supplémentaire ne peut être accordé vu l’historique du dossier et confirmant que les travaux seront réalisés d’office par l’administration, aux frais du propriétaire, dès le début du mois d’octobre.

 Je précise qu’il s’agit uniquement de la terrasse/véranda en infraction qui est visée par les travaux d’office et non l’ensemble de l’établissement. Elle se situe sur l’espace public et non sur leur propriété.

 Vous constaterez que le propriétaire est au courant depuis de très longues années qu’il doit la faire disparaître. Il convient également de souligner qu’avec le futur réaménagement de l’arrêt STIB Coteaux, la terrasse/véranda devra en toutes hypothèses être supprimée. Ce n’est pas le seul endroit qui est visé par la procédure de travaux d’office, d’autres établissements l’ont déjà été et le seront encore.

 La Commune de Schaerbeek veille en effet à la qualité de vie dans l’espace public.

Pas de sentiment d’impunité !

En outre, il ne peut exister de sentiment d’impunité vis-à-vis des infractions urbanistiques. En général, les propriétaires réagissent et effectuent d’eux-mêmes les travaux. Ici, le propriétaire refuse depuis de long mois de s’exécuter.

La Commune doit donc passer à l’action ! énumère Frédéric Nimal, l’échevin en charge de l’urbanisme à Schaerbeek.

Erkan Ozdemir / La Manchette