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Rachid Haddach, témoignage à cœur ouvert : Ahmed El Khannouss

Professeur, aumônier de prisons, responsable du service social de la mosquée du Cinquantenaire, médiateur, le défunt professeur Rachid Haddach a conquis.

Il a conquis les jeunes, les moins jeunes, les non-musulmans et les musulmans.

Le décès de Rachid Haddach a provoqué l’émoi au sein de notamment la communauté musulmane de Belgique et même au-delà.

A l’heure d’écrire ces lignes, des appels à cagnotte importunes récoltent des fonds pour des raisons affabulatrices. Le respect mortuaire de cet « érudit » est berné par les invectives de quelques corniots dadaïstes qui n’ont que pour vil objectif de vie, de se présenter comme des chevaliers du clavier. Pourtant l’anonymat offert par le protectorat de l’informatique ne tardera pas à faire d’eux une actualité judiciaire.

En effet, 7 plaintes ont déjà été actées par Unia qui se portera partie civile à l’encontre de ces personnes malintentionnées.

Par ailleurs, des marauds « récupérateurs » politiques aussi se sont mis à jeter des pierres à la dignité humaine mais la réponse d’un silence assourdissant s’est faite ferme et digne face à tristes sires.

Le conseiller communal cdH et député honoraire Ahmed El Khannouss livre à cœur ouvert son amitié avec le défunt professeur Rachid Haddach. L’interview ne s’est pas faite sans émotion et on pouvait lire dans les yeux de l’édile toute la joie de pouvoir narrer ces moments de privilège avec Rachid Hadadch :

« Rachid et moi, c’est une longue histoire d’amour. Une amitié pure et sincère qui remonte à quasi un demi-siècle maintenant.

A cette époque déjà, j’avais fait une formation d’animateur de rue dans le même temps qu’une activité intense dans la maison de quartier « Bonnevie » à Molenbeek.

Et lors d’une de nos rencontres à la mosquée « Al Khalil », d’emblée, nous cogitions avec Rachid Haddach à ce que nous pouvions offrir aux jeunes. Le spectre de ce qu’on voulait organiser était très vaste : soutien scolaire, activités culturelles et sportives. » introduit d’emblée d’édile dans ce témoignage à cœur ouvert.

« Donc, avec Rachid (Que Dieu lui accorde miséricorde), nous avons élaboré tout un programme basé sur le soutien scolaire mais aussi d’activités ludiques.

In extenso, nous sommes d’ailleurs les pionniers dans l’organisation de camp dans les Ardennes avec des jeunes. Rachid était quelqu’un qui a marqué un intérêt toujours grandissant à la jeunesse.

Il n’a jamais eu de cesse de répéter aux jeunes : « Quoique vous fassiez, vous devez avoir un cursus scolaire et d’aller le plus loin possible dans vos études ».

Dans cette société très clivante qui ne prenait très souvent pas en considération les jeunes issus de la communauté musulmane, Rachid Haddach avait compris que pour creuser son trou, il fallait faire deux fois plus d’efforts.

Partageant ce même point de vue avec Rachid, nous sommes devenus, non seulement, deux compagnons de route mais aussi deux amis sincères avec une grande complicité.

Ensuite, nous avons aussi partagé le dénominateur commun de travailler à la STIB. J’étais chauffeur de bus et lui conducteur de tram. A cette époque déjà, son état de santé n’était pas au beau fixe. Donc, il a repris un nombre impressionnant de formations et d’études, c’est la raison pour laquelle, je l’appelais Rachid L’Erudit. Il a fréquenté les plus grands savants de l’Islam pour être maître des connaissances religieuses appropriées. Et, très jeune, il s’est positionné comme conférencier. Il avait un impact considérable sur des centaines de milliers de jeunes intéressés par sa capacité de « vulgariser » des préceptes de l’Islam. Sa façon incroyable d’adapter son langage par rapport à la cible face à lui était déconcertante. » en retraçant les grandes lignes des carrières respectives de chacun.

« La finalité en soi était des permettre aux gens d’avoir des outils de réflexion afin d’avoir un approche avec « Ijtihad ». C’est-à-dire de pouvoir comprendre sa religion avec le niveau de compétence acquis.

Ce qu’il disait est que la religion est en quelques sortes « Din muhamalat ». Ce sont d’abord les actes que tu poses. Tu peux maîtriser les 60 versets du Coran, tu peux faire le pèlerinage à la Mecque 150 fois mais si ton comportement n’est pas à l’hauteur de l’exemplarité imposée par l’Islam alors ta pratique de l’Islam est à remettre en cause.

Quand mon défunt père (que Dieu lui accorde sa miséricorde) discutait avec lui, le sujet était très souvent de savoir ce qu’était un vrai musulman, quelles étaient les droits et obligations inhérentes à la religion ? Et Rachid avait cette aisance d’expliquer aux jeunes quel était le droit chemin avec cette capacité de s’adapter à l’interlocuteur. » énonce Ahmed El Khannouss avec une émotion marquante.

« Il a été indéniablement un prédicateur qui a empêché de nombreux de jeunes afin de ne pas aller en Syrie ou à fréquenter ses milieux malsains de courants extrémistes.

Une anecdote authentique qui a eu lieu il y a quelques jours d’ailleurs est une preuve incontestable de la force qu’il avait. Juste avant son décès, j’ai été le visiter à l’hôpital. On refaisait le monde dans le couloir de sa chambre d’hôpital. Une dame sortant de l’ascenseur s’approche de nous. Elle était d’origine italienne et s’adresse à Rachid : « Monsieur Haddach, est-ce que vous me reconnaissez ? Rachid la regarde et lui répond : « Effectivement madame, votre visage ne m’est pas inconnu ». Et, la dame de répondre : « C’est vous qui m’avez convertie à l’Islam au Cinquantenaire il y a déjà quelques années et c’est même vous qui avez exécuté la prière mortuaire sur mon fils qui est mort d’un accident de voiture. Et, je dois vous demander un service. Mon frère vit ses derniers instants suite à cancer dans la chambre face à la vôtre. Et, mon frère voudrait se convertir à l’Islam. Et, dans grande sagesse, Rachid lui répond : « Madame, si je viens maintenant, votre famille venue en nombre est autours de lui. Ce serait donc un affront de le convertir tout de suite devant les autres membres de votre famille peut-être non réceptive à cet acte fort. Je vous propose plutôt de m’appeler demain à 11h et si votre frère et moi sommes encore de ce monde, je ferai la démarche avec le consentement de votre frère ». finit son récit Ahmed El Khanouss.

Erkan Ozdemir / La Manchette