L’accord Turquie-Israël, la nouvelle donne géopolitique au Moyen-Orient et l’avenir de l’UE
AA – Istanbul – Tuncay Çakmak
L’accord signé entre la Turquie et Israël va ouvrir une nouvelle ère au Moyen-Orient.
Avec cet accord, l’initiative de la Turquie ne va pas avoir des conséquences seulement pour le Moyen-Orient, mais aussi pour l’avenir de l’Union Européenne (UE).
Juste après cet accord de normalisation des relations avec Israël, la Turquie a engagé un rapprochement avec la Russie, a exprimé son souhait de développer ses relations avec l’Egypte et est à la recherche de nouvelles politiques concernant la crise en Syrie. Un ensemble de démarches qui concernent directement le Moyen-Orient.
Dans le même temps, ces évolutions concernent aussi l’Occident et l’UE, traversée par une crise qui a débuté avec la Grèce et qui s’est soldée par la décision des Britanniques de quitter l’Union Européenne, car les dynamiques qui se cachent derrière ces événements sont liées à la montée du racisme et de l’extrême droite en Europe, alimentée par de sentiments islamophobes et turcophobes.
Il est nécessaire de faire une analyse d’ensemble de tous ces événements imbriqués les uns dans les autres.
La Turquie, de par sa position géographique mais surtout pour ses liens historiques avec le Moyen-Orient, le Caucase et l’Asie Centrale, occupe un rôle important dans la région.
Ses initiatives au niveau diplomatique font de la Turquie un «acteur central» dont les dynamiques historiques, économiques et culturelles sont importantes.
La Turquie développe des politiques conformes à ces trois régions autour d’elle. Pour cette raison, les analystes parlent aujourd’hui d’une «exception turque» dans les relations internationales.
L’accord Turquie-Israël a mis fin à six années de crise diplomatique entre les deux pays, qui avait débuté avec l’assaut meurtrier d’Israël contre le Mavi Marmara, ce bateau turc qui transportait de l’aide humanitaire pour Gaza. Dans cette attaque, dix citoyens turcs avaient été tués par les soldats israéliens.
A la faveur d’une intervention du Président américain Barack Obama, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou avait officiellement présenté des excuses en 2013 au Premier ministre turc de l’époque, Recep Tayyip Erdogan, ouvrant la voie à des discussions entre les diplomates des deux pays pour trouver un accord de normalisation.
Aujourd’hui, les deux pays ont décidé de nommer à nouveau des ambassadeurs respectifs, ouvrant une nouvelle ère au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale.
Cette évolution est considérée comme une victoire diplomatique de la Turquie, ou plus largement, comme une victoire de la diplomatie.
C’est la première conclusion de la volonté du gouvernement turc de «diminuer le nombre d’ennemis et d’augmenter le nombre de ses amis».
C’est une démonstration du danger, dans cette région, de poursuivre indéfiniment les animosités entre les pays au lieu d’être conscient de la nécessité de vivre ensemble.
Cet accord entre la Turquie et Israël va avoir de nombreuses conséquences économiques, politiques et diplomatiques. Dans ce sens, il devrait permettre le développement de nouvelles politiques au niveau du terrorisme, des migrations et de la sécurité dans la région.
Dans le cadre de cet accord, Israël va verser 20 millions de dollars aux familles des victimes du Mavi Marmara, c’était une des conditions de la Turquie. L’autre condition concernait le sort des Palestiniens à Gaza. Israël a accepté de lever en partie l’embargo imposé à Gaza. Ainsi, la Turquie va assurer l’acheminement d’aides humanitaires via le port israélien d’Ashdod.
Grâce à cet accord, la Turquie va pouvoir poursuivre sa politique de soutien aux Palestiniens, de plus en plus seuls sur la scène internationale. Les conditions de vie des Palestiniens à Gaza vont être aussi améliorées.
Pour cette raison, le gouvernement palestinien et Hamas, avec qui la Turquie a agi en régulière concertation, ont accueilli avec satisfaction cet accord.
La Turquie va construire un hôpital d’une capacité de 200 lits à Gaza. Elle va acheminer les aides humanitaires : un premier navire transportant 14 000 tonnes d’aliments va quitter la Turquie ce vendredi. De plus, les infrastructures vont être renouvelées et développées, notamment concernant l’eau et l’électricité, dans le cadre d’une coopération avec l’Allemagne.
Dans le secteur de Jénine, de nombreux logements vont être construits.
Pour Israël, cet accord va offrir de nouvelles perspectives dans la région.
Tel Aviv s’inquiète de l’intervention russe en Syrie et du rapprochement Etats-Unis-Iran.
Avec cet accord, la Turquie et Israël ont montré une nouvelle fois que les relations entre ces deux pays ont une importance stratégique dans la région.
De plus, Israël pourra faire transiter son gaz naturel par la Turquie pour le vendre en Europe.
Ces évolutions diplomatiques avec Israël et la Russie indiquent que des changements dans la politique de la Turquie vis-à-vis de la Syrie sont à prévoir.
Les tensions entre Ankara et Damas devraient laisser la place aux procédés diplomatiques.
Un rapprochement de la Turquie avec l’Egypte pourrait voir le jour rapidement.
Tous ces événements devraient soulager aussi l’Europe qui fait face à des crises économiques et migratoires et qui est confrontée au racisme et au terrorisme.
Le référendum britannique qui s’est soldé par le choix du Brexit (sortie de l’UE) pousse l’Europe à revoir son projet et à développer de nouvelles politiques.
Il est fort probable que la Turquie sera un membre fort de la nouvelle Union Européenne qui verra le jour.