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ANALYSE – Le combat multidimensionnel de la Turquie contre Daech

AA – Istanbul – Depuis près de deux ans, la Turquie mène un combat multidimensionnel contre l’organisation terroriste de Daech.

La première confrontation entre la Turquie et Daech date de la prise de la ville de Mossoul en Irak par l’organisation terroriste, et la prise en otage du consul général de Turquie et du personnel de la représentation consulaire, soit 49 personnes au total.

Depuis cette date, Daech menace la Turquie aussi bien de l’extérieur qu’à l’intérieur du pays.

Du fait de sa position géographique, la Turquie fait partie du cercle des pays qui sont une cible de deuxième rang de Daech, après la Syrie et l’Irak qui sont au premier plan.

Avec le temps, la Turquie a renforcé sa position et sa lutte contre l’organisation terroriste, l’affrontant directement sur plusieurs fronts.

C’est la raison pour laquelle Daech a lancé des attaques diverses cotre la Turquie.

Daech considère la position géographique de la Turquie comme stratégique dès lors qu’elle représente un point de passage de nombreux combattants étrangers qui veulent rejoindre la Syrie et l’Irak, mais aussi le chemin de retour des combattants souhaitant regagner l’Europe pour commettre éventuellement des attentats.

Pour ces raisons, Daech attaque la Turquie sur deux fronts, militaire et politique.

Sur le plan militaire, ces dernières semaines, Daech a attaqué régulièrement Kilis, ville frontalière, depuis la Syrie. Ces attaques prennent directement les civils pour cibles.

Mais ce n’est pas seulement en Syrie que Daech attaque les intérêts turcs. Le camp militaire de Bachika dans le Nord de l’Irak, où des soldats turcs sont stationnés pour former les combattants irakiens qui luttent contre Daech, est régulièrement attaqué par l’organisation terroriste.

De plus, la Turquie est le pays où Daech a commis le plus d’attentats à la bombe, en dehors de la Syrie et de l’Irak.

Sept attentats-suicides perpétrés par Daech sur le sol turc ont coûté la vie à 160 civils et 3 membres des forces de sécurité.

Daech est également responsable d’assassinats de réfugiés syriens, notamment des journalistes qui la critiquent, en Turquie.

Jusqu’à présent, Daech n’a jamais revendiqué les attentats commis en Turquie, ce qui constitue une particularité propre à ses actions en Turquie dès lors qu’ailleurs, l’organisation terroriste revendique toujours ses attentats.

D’autre part, l’organisation terroriste prend régulièrement pour cible la Turquie dans ses déclarations. Les menaces verbales contre la Turquie se sont multipliées et elles sont devenues plus importantes.

De son côté, la Turquie combat Daech sur plusieurs front et dimensions. Il s’agit de quatre dimensions plus précisément.

La première, au niveau national, les forces de sécurité sont à la poursuite des citoyens turcs proches ou liés à Daech. C’est dans ce cadre que de nombreuses opérations et perquisitions ont été effectuées dans le pays.

Le deuxième point contre sur lequel la Turquie travaille est celui des combattants étrangers. La Turquie est activement engagée dans la Coalition Internationale contre Daech.

Ankara lutte aussi contre les sources de financement de Daech. Dans les opérations contre les milieux proches de Daech en Turquie, plus de 500 sympathisants ont été emprisonnés. Depuis le début de l’année 2016, 863 suspects ont été placés en garde à vue et 199 d’entre eux ont été emprisonnés.

La Turquie participe également aux opérations de la Coalition Internationale contre Daech. Entre le 1er et le 5 mai, l’armée turque a lancé au total 2 144 frappes contre les positions de l’organisation terroriste en Syrie, dans le cadre de son engagement au sein de la coalition internationale contre Daech, mais également en réaction aux attaques de l’organisation terroriste contre le territoire turc.

Les tirs contre les positions de Daech en Syrie ont fait 807 tués et 153 blessés parmi les terroristes, d’après les mêmes sources.

Par ailleurs, l’armée turque a éliminé 365 membres de l’organisation terroriste en Irak. Depuis le début de l’année 2016, 388 terroristes de Daech ont été interceptés à la frontière avec la Syrie.

Jusqu’au 5 mai, 20 civils ont perdu la vie et 66 autres ont été blessés à Kilis, ville du sud-est de la Turquie, toute proche de la Syrie, à cause des tirs de roquettes lancés par Daech depuis la Syrie.

En réaction à ces attaques, l’armée turque a tiré sur les positions de Daech en Syrie depuis la Turquie, éliminant 20 terroristes le 5 mai, et 7 autres le 6 mai. Le 8 mai, l’armée turque a tué 55 terroristes de Daech en Syrie.

La Turquie est un membre actif de la coalition internationale contre Daech composée de 62 pays et dirigée par les Etats-Unis d’Amérique.

C’est dans ce cadre que la Turquie participe aux frappes aériennes contre Daech en Irak et en Syrie et met à la disposition de la coalition sa base militaire d’Incirlik à Adana, dans le Sud-est du pays.

Par ailleurs, les forces de sécurité et les services de renseignement en Turquie assurent une action intense pour empêcher que des combattants étrangers ne puissent accéder à d’autres pays à partir du territoire turc, et rejoindre ainsi des organisations terroristes.

L’un des kamikazes des attentats qui ont frappé la capitale belgeBruxelles en mars dernier avait été arrêté en Turquie et expulsé. Les autorités turques avaient informé et mis en garde les autorités belges et néerlandaises à ce sujet.

Ce nouveau cas met en exergue le travail majeur de la Turquie qui a instauré une interdiction d’entrée sur son territoire pour 38 269 personnes de 128 pays différents, suspectées d’être liées au terrorisme.

Depuis l’année 2011, 3 290 «combattants terroristes étrangers», dont Ibrahim El Bakraoui, un des kamikazes des attentats deBruxelles (22 mars), ont été arrêtés en Turquie et expulsés.

El-Bakraoui avait été intercepté en juin 2015 avant d’être renvoyé le 1er juillet vers les Pays-Bas, à sa propre demande. Les autorités belges et néerlandaises avaient été informées par la Turquie du «risque potentiel» qu’il pouvait représenter.

La Turquie partage 1300 km de frontières avec la Syrie et l’Irak, principales destinations des combattants étrangers.

Depuis le début de la guerre en Syrie en 2011, la Turquie développe de nombreuses mesures pour empêcher le passage de ces combattants étrangers vers ces pays.

En dehors des frontières terrestres, les aéroports et les terminaux de bus sont également minutieusement surveillés.

Le dernier point de la lutte contre Daech concerne son financement.

D’après les Nations Unies (ONU), Daech est l’organisation terroriste la plus riche du monde.

Il ressort d’un rapport conjointement élaboré par les Etats-Unis et la Turquie que les principales sources de financement de Daech proviennent des réserves de pétrole et de gaz dans les régions contrôlées par l’organisation, des rançons obtenues après des enlèvements, des aides et dons des organisations sans but lucratif détournés, les revenus générés par la circulation des capitaux au niveau internationale et l’argent apporté par les combattants étrangers.

Pour contrer la circulation des capitaux, la Turquie a mis en place plusieurs mécanismes et mesures bancaires dans le but de stopper le financement de Daech. Ankara applique aussi les législations de l’ONU contre le financement du Terrorisme (résolution 6415 de février 2013).

Grâce à ces mesures, la Turquie aurait fait perdre, entre1 et 3 millions de dollars US à Daech.

Au vu de l’ensemble de ces données, il apparaît que la Turquie est très active dans la lutte contre Daech. La position stratégique de la Turquie fait d’elle un partenaire essentiel de la Communauté internationale.

Pour rendre ce combat encore plus performant, il faut renforcer les échanges de renseignements entre les différents pays, notamment avec l’Europe où de nombreux combattants étrangers rejoignent Daech.