Analyse : Prostitution à Saint-Josse-, rien ne va plus !
Une quantité impressionnante de plaintes a été déposée à l’encontre de la décision prise par la commune de Saint-Josse d’augmenter une taxe.
En effet, le conseil communal de Saint-Josse avait voté en 2015 d’augmenter la taxe sur la prostitution à hauteur de 3000 € en lieu et place des 950 € réclamés les années précédentes.
En somme, une bonne nouvelle quand on connait les fléaux liés à ce métier très controversé.
Le problème est qu’inévitablement la moitié des propriétaires (37 sur 68) des carrées en question ont introduit fin février une réclamation à la commune.
A ce sujet, pour rappel, il y a beaucoup de jurisprudences disponibles en la matière de prostitution qui n’ont malheureusement pas été exploitées dans la confection de ce dossier.
En effet et juste pour info, on peut citer notamment :
- L’arrêt de la Cour de Cassation du 25/11/2015 contre le Centre Pour l’Egalité des Chances et la Lutte contre le Racisme (http://jure.juridat.just.fgov.be/pdfapp/download_blob?idpdf=F-20151125-2)
Dans ce texte juridique, nous remarquons déjà que le pourvoi en cassation est jugé irrecevable et réconforte donc la décision des juges de la Cour d’Appel de Liège du 13/01/2015, en chambre correctionnelle.
Les demandeurs, deux sociétés en l’occurrence invoquent la cassation sur base de cinq moyens (raisons) :
- Le moyen soutient que l’arrêt est entaché d’un vice de motivation et qu’il viole l’article 380, § 1er, 1°, du Code pénal en condamnant les demandeurs sur la base de la prévention visée à cette disposition sans constater, au titre d’élément moral de l’infraction, l’intention de satisfaire les passions d’autrui. Il ressort de ces motifs que l’embauche à des fins prostitutionnelles réprimée par la disposition précitée avait été faite pour satisfaire les passions d’autrui.
- Pris de la violation des articles 149 de la Constitution, 380, § 1er, 2°, du Code pénal et 1709 et 1719 du Code civil, le moyen soutient que l’arrêt ne pouvait déclarer les demandeurs coupables de tenue d’une maison de débauche dès lors qu’en tant que bailleurs, ils n’étaient pas responsables des activités exercées dans les lieux loués. Après avoir relevé les conditions dans lesquelles les prostituées étaient recrutées et la manière dont les loyers étaient perçus pour l’occupation des locaux, les juges d’appel ont considéré que, par une location effrénée des salons de prostitution situés au rez-de-chaussée des immeubles acquis par les demandeurs, ceux-ci ont tenu sept maisons de débauche. Par ailleurs l’arrêt relève encore que le demandeur s’est préoccupé des activités exercées dans les lieux et qu’il a tenté d’intervenir dans la fixation des tarifs pratiqués par les prostituées.En sanctionnant les personnes qui tiennent une maison de débauche, la loi vise tous ceux qui en retirent un profit direct ou indirect, quel que soit le cadre juridique dans lequel la gestion de ladite exploitation est faite.
- Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution et 433quinquies, § 1er, 1°, du Code pénal. Il soutient que la motivation de l’arrêt relative à la prévention de traite des êtres humains ne permet pas de déduire que les demandeurs se sont rendus coupables de cette prévention. Aux termes de l’article 433quinquies, § 1er, 1°, précité, constitue l’infraction de traite des êtres humains le fait de recruter, de transporter, de transférer, d’héberger, d’accueillir une personne, de prendre ou de transférer le contrôle exercé sur elle, à des fins d’exploitation de la prostitution ou d’autres formes d’exploitation sexuelle. Contrairement à ce que le moyen allègue, les juges d’appel ne se sont pas limités à considérer que les demandeurs avaient mis des biens en location à des prix trop élevés dans le but de réaliser un maximum de profits.Après avoir énoncé que les demandeurs avaient recruté 161 personnes en vue de l’exploitation de la prostitution, par affiches ou racolage, l’arrêt examine l’exploitation envisagée ou effective des victimes et l’intention des demandeurs d’exploiter ou de contribuer à l’exploitation de la personne d’autrui à des fins de prostitution ou d’autres formes d’exploitation sexuelle. A cet égard, il relève notamment le remplacement immédiat des locataires qui ont quitté les lieux, ayant refusé de se prostituer dans les conditions proposées, par l’intermédiaire du demandeur, par des prostituées d’origine étrangère qui se sont résignées à travailler dans des conditions de travail indignes. Les juges d’appel ont également considéré qu’ils ne doutaient pas de l’exploitation effective et intentionnelle de ces personnes précarisées par leur statut social, et ce d’autant moins que leur attitude docile pouvait trouver explication dans la seule crainte de subir des représailles ou de perdre des moyens de subsistance qu’elles n’avaient pu se procurer que par leur prostitution. Ils ont encore mentionné que le demandeur s’était préoccupé des activités exercées dans les salons de débauche et qu’il avait tenté d’intervenir directement dans la fixation des tarifs pratiqués, dont les recettes devaient assurer le paiement de loyers exorbitants exigés de locataires précarisés, dont le financement était tributaire des recettes de la prostitution. Par ces considérations qui rendent compte de l’élément tant matériel que moral de l’infraction, l’arrêt motive régulièrement et justifie légalement sa décision.
Pour éviter d’être trop long et trop juridique, on s’arrêtera aux moyens déjà exposés ci-dessus. Ils ont tous force de chose jugée en appel.
Enfin, on peut dire qu’avec ces moyens, il existe différentes pistes pour canaliser la prostitution dans une commune bien définie, si le but est effectivement de le faire !
Erkan Ozdemir / La Manchette