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CCIB : “la Belgique ne respecte pas la liberté de non-discrimination à l’égard des étudiants”

Le Collectif Contre l’Islamophobie en Belgique asbl (CCIB) a pris connaissance avec stupéfaction de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 4 juin 2020 relatif notamment au port du foulard dans l’enseignement supérieur. La décision de la Cour est incompréhensible et constitue une brèche sans précédent dans notre corpus juridique garantissant le respect des droits fondamentaux en matière de convictions religieuses et philosophiques. Par cet arrêt, la Belgique ne respecte pas ses engagements internationaux en matière de libertés publiques et de non-discrimination à l’égard de tous les étudiant.e.s de notre enseignement.

Dans un contexte tumultueux relatif à la nomination de nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, il apparaît que l’arrêt n’a pas pris en compte différents éléments importants et élémentaires : contexte de montée de l’islamophobie ambiante et de discours populistes aux relents xénophobes, distinction entre usagers du service public et fonctionnaires de l’Etat, impact sur les femmes (discriminations intersectionnelles), situation de quasi-marché scolaire avec des inégalités sociales persistantes, hiérarchie des normes, objectif de respect et de promotion du pluralisme dans une société démocratique, mixité socioculturelle…

La neutralité est définie de manière extrêmement précise dans notre Constitution en son article 24,  en ce qu’elle « implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques et religieuses des parents et des élèves ». Au prétexte de vouloir établir un « environnement éducatif totalement neutre », concept juridiquement creux et non défini dans l’arrêt, la Haute Ecole Francisco Ferrer (Bruxelles) interdit de manière généralisée le port de signes convictionnels pour tou.te.s ses étudiant.e.s. Répondant à ce concept purement abstrait et idéologique de la Ville de Bruxelles, en tant que pouvoir organisateur de la haute école, la Cour a élaboré deux balises (« concept d’enseignement préconisé ou des circonstances concrètes ») justifiant ce qui apparaît ni plus ni moins comme une discrimination institutionnelle envers des femmes adultes.

La remise en question d’un droit à l’instruction, constitutionnellement garanti, au-delà des opinions diverses et variées que chacun peut avoir sur la question du foulard, est une grave atteinte aux droits fondamentaux d’étudiant.e.s qui souhaitent simplement accéder, au moyen des études et de la formation, à leur émancipation. « Nous espérions une décision de la Cour qui rappelle un cadre constitutionnel fort, une sorte de socle commun de respect mutuel et d’ouverture, dans lequel toutes les hautes écoles et tous les instituts de promotion sociale doivent élaborer des solutions inclusives. Au lieu de cela, cet arrêt a pour effet, sinon pour intention, de faire persister des discriminations structurelles dans notre enseignement et de mettre nombre de femmes musulmanes portant un foulard dans la précarité ou de les maintenir en marge de la société. Sur le plan du droit des femmes, cet arrêt est une régression dans l’accès au savoir et à l’émancipation par les études et l’emploi », affirme Layla Azzouzi, responsable première ligne au Collectif.

Le CCIB reste attentif à la décision qui sera rendue prochainement par le Tribunal de première instance de Bruxelles et espère que l’arrêt de la Cour Constitutionnelle ne mettra pas en péril, ni l’exercice des libertés publiques, ni la scolarité et l’avenir professionnel des étudiantes. Par ailleurs, l’interdiction totale des signes convictionnels à la Haute Ecole Francisco Ferrer reste contraire à l’une des deux balises de la Cour et il existe une solution moins attentatoire aux droits et libertés des élèves en prévoyant une liberté de principe, assortie de la faculté de ne sanctionner que les comportements problématiques.

Au-delà de cet arrêt, les démocrates et les progressistes dans notre pays continueront de porter le projet d’une école pluraliste, inclusive, ouverte aux autres cultures (pour rappel, toutes les universités belges, toutes les hautes écoles flamandes et plusieurs hautes écoles francophones autorisent le port du foulard), ainsi que des juges qui s’inscrivent, eux, dans la logique formelle du droit (cf. la récente décision du tribunal du Brabant wallon du 4 mai 2020 et la décision du tribunal de Liège du 4 octobre 2016, autorisant des étudiantes à porter un foulard dans le cadre de leur scolarité).