Dossier du CPAS d’Anderlecht : les dessous des cartes du reportage !
L’histoire du scandale du cpas d’Anderlecht ne finit pas de faire couler de l’encre.
Les invitations du secrétaire générale du cpas anderlechtois dans différentes commissions parlementaires, la mise au grill de la ministre fédérale de tutelle Karine Lalieux, les lancées de patates chaudes aux entités fédérées et aux communes, bref une série de questionnements tantôt justifiée voire tantôt complètement politisée.
Evidemment, il fallait s’attendre à une mise en branle parlementaire dont l’unique but est de couler entre des doigts d’élus profiteurs de bonnes poignées de sable dans un vieux rouage graissé à l’ancienne qui présente effectivement des faiblesses.
Rouage qui, finalement à plus d’un titre, était déjà annonciateur d’un malaise profond en activant moult leviers de détresse.
Les parlementaires criant gare ne connaissent évidemment pas grand-chose à la rigidité coralliforme des problématiques éminemment connues par le cpas d’Anderlecht. Ceux-ci se soucient encore moins de la surcharge du travail en raison du sous-staffing et le sous-rémunération des assistants sociaux.
Nous sommes franchement loin des 50 dossiers gérés par un assistant social en Flandre. Comme nous sommes tout aussi loin des 100 dossiers par assistant social bruxellois, la moyenne supérieure qui sépare l’homme de la machine !
A Anderlecht, nous sommes à une moyenne « stratosphérique » qui flirte avec les 200 dossiers par assistant social. Ajoutez à ce calvaire 50 à 80 nouveaux dossiers, les chiffres sont dignes des projets pharaoniques d’Elon Musk.
Par analogie simple et réductrice, c’est comme demandé à un chauffeur de bus de conduire 4 bus en même temps ou encore de demander à une caissière de supermarchés de scanner les articles qui déboulent sur 4 tapis de caisse en mème temps.
Quant au reportage de la VRT, très certainement, il met la lumière sur les hurlements d’assistants sociaux qui crient depuis une décennie déjà. A quoi bon crier dans une forêt déserte si ce n’est que d’avoir un exutoire ! Un peu comme l’usager qui, pendant le reportage de la VRT, crachait son venin sur un assistant social qui, Dieu merci, avait pour seule, protection une vitre en plexiglass.
On se rappelle aussi des problèmes au cpas de Schaerbeek qui, en intégrant le progiciel Sociabili avait provoqué l’ire des assistants sociaux, mis sous pression par une procédure d’implémentation de programme informatique peu scrupuleuse !
Pour en revenir au sujet anderlechtois qui nous occupe, rappelons que certains parlementaires en mal de projecteurs médiatiques ne se soucient que très peu de l’essentiel soulevé par les 2 journalistes flamands : la surcharge de travail des assistants sociaux dans certains cpas.
Le curseur de ces édiles en mal de formation gouvernementale est placé plutôt en un interminable clivage qui polarise dangereusement la population au nez et à la barbe d’une commune dont la paupérisation ne cesse d’augmenter.
Selon une source interne au cpas d’Anderlecht et par analogie à la carte blanche diffusée par Bernadette Schaeck (Association de défense des allocataires sociaux) et Yves Martens (Collectif solidarité contre l’exclusion) : « Contrairement à la mise en scène de cette situation par les journalistes, ce CPAS n’est pas un « open bar » où les aides seraient octroyées sans conditions ni contrôles. En réalité, il est souvent extrêmement difficile pour les usagers d’y faire valoir leurs droits sociaux, avec régulièrement des délais de traitement de plusieurs mois pour des demandes liées à des besoins vitaux. »
La même carte blanche publiée dans Le Soir du 26/11/2024 de rajouter : « Entre 2003 et 2023, le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration (RI) a presque doublé en Belgique, notamment à la suite des restrictions de l’accès aux allocations de chômage. L’organisation de la solidarité vis-à-vis des personnes privées d’emploi a ainsi été de plus en plus mise à charge des pouvoirs communaux. Par ailleurs, les CPAS se sont retrouvés en première ligne face à toutes les crises sociales (Covid, flambée des prix de l’énergie, inondations, guerre en Ukraine…) alors que l’État fédéral a été notoirement défaillant par rapport à certaines de ses responsabilités, comme pour l’accueil des demandeurs d’asile.
Parallèlement, l’octroi du Revenu d’Intégration (RI) est devenu plus conditionné et plus bureaucratisé. La plupart des bénéficiaires doivent désormais signer un Projet individualisé d’intégration sociale (PIIS), c’est-à-dire une forme de contrat qui porte notamment sur leur disposition au travail. Cette contractualisation de l’octroi des allocations, et le contrôle du respect de ce « PIIS », ont alourdi inutilement la charge administrative des CPAS et rend plus difficile l’accès à une aide pourtant essentielle pour survivre.»
D’après une source interne au CPAS d’Anderlecht, les journalistes de la VRT ont utilisé le stratagème le plus difficilement déjouable : l’étudiant et le SDF !
« Contrairement à ce qui est annoncé partout, les 2 enquêtes sociales ont été diligentées pour les deux personnes ! Mais ils sont venus avec un faux statut d’étudiant tous les deux. Il est très compliqué d’exécuter une enquête domiciliaire pour ce genre de profil. »
En effet, en vertu de la base légale « Circulaire portant sur les conditions minimales de l’enquête sociale exigée dans le cadre de la loi du 26 mai 2002 relative au droit à l’intégration sociale et dans le cadre de l’aide sociale accordée par les CPAS et remboursée par l’Etat conformément aux dispositions de la loi du 02 avril 1965 » :
« Certaines situations particulières peuvent rendre la visite à domicile difficile, voire impossible. Citons par exemple le cas de l’étudiant de plein exercice qui n’habite plus dans la commune dans laquelle il était inscrit dans les registres de population au moment de l’octroi du droit à l’intégration ou le cas de la personne qui est hébergée dans une maison d’accueil éloignée de la commune dans laquelle elle est inscrite dans les registres de la population. Citons également les situations dans lesquelles la sécurité du travailleur social n’est pas garantie. Pour ces situations particulières, le travailleur social justifiera, dans son rapport social, les motifs ayant rendu cette visite à domicile non opportune ou impossible. De même, si un demandeur d’aide refuse la visite à domicile, il en sera fait mention dans le rapport social. »
Toujours selon la source interne : « pouvant se référer à cette base légale et par rapport aux propos tenus par « Arno » le journaliste de 22 ans de la VRT, un assistant social peut décider ne pas rendre la visite domiciliaire obligatoire. En effet, Arno signale « qu’il serait difficile pour EUX » d’accuser une visite domiciliaire en se référant à la fausse famille d’accueil. Pour résumer, il s’agissait en fait d’ajouter en plus de la charge importante de l’accueil fictif d’Arno par son « pote » et sa famille, une charge psychologique à cette qui n’aurait pas accepté cette visite domiciliaire. D’ailleurs, cela aurait eu pour conséquence de mettre à mal cette « fausse cohabitation », élément qui sera décisif dans la choix de l’assistant social de ne pas s’orienter vers la visite domiciliaire ».
Encore selon la source interne : » Concernant l’adresse de référence de la journaliste « Lina »de 25 ans, elle affirme qu’elle est étudiante-SDF. Sans domicile fixe à lire au sens premier du terme. On ne parle évidemment pas du sans-abri qui, lui, dort sous des ponts etc. Ici, la journaliste affirme qu’elle est étudiante et qu’elle dort un peu à gauche et à droite sans avoir d’adresse fixe. Elle travaille dans 2 cafés sous statut étudiant mais que les revenus professionnels ne sont pas à la hauteur d’une vie descente.
La Loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale – étudiants et droit au revenu d’intégration confirme par ailleurs que : « 1.3. Etant donné que les étudiants suivant un enseignement de plein exercice ne sont pas disponibles pour le marché du travail, ils ne remplissent en principe pas les conditions de la loi, de sorte qu’ils ne peuvent prétendre à un revenu d’intégration. Toutefois, l’article 11, § 2, a, de la loi du 26 mai 2002 prévoit que : « des engagements concrets doivent être conclus au sujet de la manière dont les cours seront suivis, du soutien apporté par le C.P.A.S. pour les études, du rôle du C.P.A.S. en cas de rupture avec le milieu familial et en ce qui concerne l’évaluation de la disposition du jeune à étudier. »
« Donc, finit par exclamer la source interne à la commune d’Anderlecht, « sur base de tous ces éléments mis ensemble, le cpas d’Anderlecht a subi les foudres d’un tribunal médiatique qui a desservi une catégorie de l’échiquier politique. Cela a contribué a mettre au pilori des dizaines de personnes qui n’ont pour gratification qu’un salaire sous-évalué et trop souvent subsidié donc précaire par la force des choses. Concernant les mail qui viennent de la présidence du cpas, ceux-ci ne sont évidemment pas considérés comme une pression par les assistants sociaux qui se voient déjà noyés sous une masse de travail. Quand Bouchez met la pression à toute une commune pour imposer Julie Taton sur les listes électorales à Mons, là il s’agit de mise en bouteille de personnes qui travaillent dans des administrations. »
Finalement, la question est de savoir : A qui profite le crime ?
EO / La Manchette