Dr palestinien Izzeldin Abuelaish : « une balle ne tue qu’une seule fois, mon arme est la sagesse ! »
D’emblée, le sujet n’a jamais été aussi intéressant.
Pour cause, le conflit israélo-palestinien a fait couler beaucoup d’encre. Cette encre provient très souvent des veines de palestiniens assassinés pour un oui, pour un non, pour un bout de terre, pour une pierre jetée et aussi tout simplement par peur de son voisin.
Dans cette perspective, l’émotion l’emporte souvent sur la raison. C’est pourquoi, avant d’écrire sur ce sujet trop controversé, il faut avoir du recul. Suite à la conférence donnée par le Dr palestinien Izzeldin Abuelaish, une personne présente dans l’auditoire m’a dit : « pour écrire sur ce sujet après cette conférence, il faut d’abord prendre du recul et laisser passer quelques jours». Et, cette personne avait raison !
Tout le monde se rappellera des cris d’invocations à Dieu de ce docteur désemparé en direct à la TV israélienne le jour de cet attentat sordide qui tua 3 de ces 4 filles.
Après ce préambule, on doit déjà placer le cadre l’activité.
« Le Docteur Izzeldin Abuelaish, grande figure de la médecine palestinienne, exerce régulièrement dans les hôpitaux israéliens. Il y noue des relations étroites dépassant la haine et les préjugés. Lorsqu’une roquette israélienne vient frapper sa maison, tuant trois de ses filles, Izzeldin est en direct de chez lui dans une émission télévisée pour parler de la situation à Gaza. La tragédie fera le tour du monde. »
De ce drame, il saura en tirer un courage exceptionnel en s’engageant faveur du dialogue et de la paix. Auteur du livre « Je ne haïrai point, Un médecin de Gaza sur les chemins de la Paix » son témoignage est celui d’un humaniste qui marque par sa grandeur d’âme. Il a également fondé l’association de promotion de l’éducation des femmes, « Daughters for Life », en mémoire de ses filles. »
Les conférenciers sont Emir Kir, en tant que bourgmestre hôte de l’activité, l’ambassadeur de la Palestine auprès de l’U.E Abdalrahim Alfara et le Dr Izzeldin Abuelaish.
Emir Kir a d’abord pris la parole afin d’introduire la soirée par les remerciements aux invités et aussi à Jean-Marc Delizée (PS, Viroinval) très impliqué dans la cause palestinienne.
Ensuite, l’ambassadeur de Palestine à l’UE Alfara débroussaille le terrain en faisant un lien direct avec l’actualité morose de la Palestine.
« 116 blessés et 48 femmes et enfants morts lors du dernier attentat d’Israël. La Palestine est victime des tueries israéliennes au vu et su de tous ! Conventions internationales et les droits de l’homme sont violés tous les jours en Palestine. La mort de filles comme celles victimes du Dr continuent inexorablement » introduit l’ambassadeur.
Quand le Dr Izzeldin prend la parole, le ton se fait plus coi mais tout aussi sévère.
« Beaucoup d’histoires et de récits sont contés au sujet de cette problématique mais ce que je vais vous dire n’est pas de la fiction. Il faut de la part du monde musulman une réaction mais celle-ci doit se faire dans le respect de l’autre. Il faut tirer les conclusions pour interagir intelligemment et mettre fin à cette misère. Il faut rappeler qu’aucun peuple n’a subi autant de souffrances que celles accusées par les palestiniens. Mais vu sous un angle du vue religieux, il s’agit clairement d’une épreuve continuelle imposée par le Tout Puissant. Au-delà de cette épreuve, la souffrance, quant à elle, imposée aux palestiniens n’est pas divine mais elle est issue du méfait de l’homme qui l’impose à son frère géographique.» aborde directement le Dr palestinien.
Dans cette perspective, le conférencier propose des pistes de solutions :
« Comment agir pour stopper les agissements maléfiques de l’homme et recréer l’espoir ?
L’éducation est l’arme la plus puissante que les musulmans ont afin de combattre cette injustice. L’exil et la misère peuvent être imposés mais nul ne peut arrêter le rêve d’un monde meilleur.
Je suis devenu médecin dans un hôpital israélien non pas par noblesse du titre mais pour prouver que le peuple palestinien peut sortir de la misère imposée. Mes filles sont décédées cruellement dans un attentat israélien mais ma résilience prend ses origines dans la croyance en Dieu. Rien ne peut ramener désormais mes 3 filles mais, grâce à Dieu, elles ne sont pas mortes, elles vivent et sont en voyage. » explicite le docteur la voix tremblante de tristesse mais digne.
L’auditoire sent tout doucement les larmes montées. Effectivement, il devient quasi impossible de rester insensible aux paroles de ce père de famille meurtri par la perte de ses enfants dont il avait la responsabilité.
En effet, la femme du docteur était précédemment décédée d’un cancer.
« Je suis gynécologue, diplômé de l’université du Caire et de Londres. Je suis le premier palestinien à avoir travaillé dans un hôpital israélien. J’ai de la croyance dans la mission de la médecine comme vecteur de paix. En obstétrique, les cris d’un nouveau-né n’ont ni nationalité, ni appartenance ethnique. Alors, la question est simple : pourquoi ne pas vivre comme un nouveau-né tout au long de la vie sur terre ? Toutes les religions ont des valeurs sacrées partagées. Si une personne est tuée, c’est tout l’humanité qui meurt ! Les trêves de cette sale guerre se succèdent mais que faisons nous des séquelles des explosions meurtrières ? Doit-on les oublier comme si rien ne s’était passé ? Que vont faire les mères épeurées et dans l’espoir de revoir leur enfant traumatisé apparaître sous un décombre ? »
Il continue en narrant : « Mon fils de 12 ans m’a un jour interpellé : Pourquoi pleurer ? pourquoi crier ?
Je pensais qu’il n’avait pas compris que ses sœurs étaient mortes. Mais il m’a aussi répondu : Je sais qu’elles ont été assassinées mais je sais qu’elles sont heureuses avec maman là où elles sont.
Et, c’est à ce moment précis que j’ai pris conscience que nos enfants étaient vieux car ils ne vivent pas leur enfance. Ils n’ont pas droit à cette liberté de la vivre comme tous les enfants. »
Désormais, une grande partie du Collège présent et des invités sont en pleurs dans la salle Tanger de la commune de Saint-Josse.
Les échevins Dorah Ilunga (organisatrice de l’event), Nezahat Namli, Kadir Ozkonakci Mohammed Jabour et les conseillers communaux Ismail Luahabi, Safa Akyol et Yves Bassambi ont pris le temps d’une ‘standing ovation’ au terme de l’exposé du Dr Izzeldin.
Enfin, pour finir, le narrateur de faits authentiques rapporte aussi que :
« J’ai juré de ne jamais lâcher d’apporter un message de paix même à travers la mort de la chair de ma chair. Je le ferai pour mes filles jusqu’au jour où j’irai les retrouver. Cet engagement est pour les âmes innocentes en leur rendant hommage. Rappelez-vous, une balle tue qu’une fois mais mon arme, quant à moi, est la sagesse. Il s’agit d’un don de Dieu. Je n’ai jamais été une victime et jamais je ne le serai ! »
Erkan Ozdemir / La Manchette