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Emir Kir : « un enfant reste un enfant même s’il est étranger ! »

Pendant que le MR/NVA, Sp.a et Défi votent la loi qui, in fine, enfermera les enfants étrangers en centres fermés, Emir Kir est le seul à dégainer face au secrétaire d’Etat à l’Asile, Théo Francken.

Une véritable tirade de questions va l’encontre du membre de la NVA, initiateur du projet d’enfermement d’enfants.

Voici, la question d’Emir Kir :

Emir Kir (PS): Monsieur le secrétaire d’État, vous avez apporté des éléments de réponse en début de réunion. Pour ma part, je voudrais rappeler les faits car si on ne les rappelle pas étape par étape, on a du mal à comprendre de quoi on parle. Premièrement, il s’agit d’un enfant de neuf ans qui a disparu. Il a peut-être échappé à la surveillance des agents de l’Office des Étrangers à la faveur du temps de midi. Deuxièmement, on n’a pas pris la peine de signaler la disparition de cet enfant. Troisièmement, c’est le centre d’accueil d’urgence Minor-Ndako qui a lancé l’alerte. En disant cela, j’ai déjà sérié tous les dysfonctionnements qui existent. Ils se situent au niveau de l’accompagnement, du contrôle et de la communication. Ce n’est pas rien. Ce sont beaucoup de problèmes et de manquements qui arrivent en même temps avec ce cas.

C’est évidemment grave car l’État porte des responsabilités vis-à-vis de cet enfant et de tous les autres mineurs non accompagnés. C’est grave également parce qu’il est difficile de se départir de l’impression que toute l’attention nécessaire n’a pas été portée par rapport à ce mineur. Et c’est grave enfin parce qu’il est tout aussi difficile de ne pas penser que le climat général à l’égard des étrangers porte atteinte à la bienveillance dont doit pouvoir bénéficier un enfant. Un enfant reste un enfant même s’il est étranger. Monsieur Francken, je regrette que dans votre explication vous ayez parlé de soupçon de vol, etc. Je pense qu’il faut éviter de jeter l’opprobre sur les gens. S’il y a des faits vérifiés et avérés, qu’on le dise.

Pour ce qui est de l’autre explication sur les départs vers Londres, etc., je ne pense pas qu’il s’agisse d’une explication sérieuse. Un enfant reste un enfant même s’il est étranger. De surcroît, quand il n’a pas d’attaches, il est en pleine détresse lorsqu’il est seul. Et quand il n’a pas d’attaches culturelles, il ne sait pas vers qui se tourner pour avoir une aide. Ce qui est grave aussi, c’est que le jeune garçon n’est pas le seul cas. Ce n’est pas un cas isolé. Je découvre les chiffres que vous nous donnez: 448 disparitions selon Fedasil. Vous les expliquez suivant un travail d’enregistrement plus important mais aussi une explication que vous donnez par rapport à des volontés de migration. Quand je regarde les chiffres de Child Focus, là aussi, les chiffres sont inquiétants. Pour la seule année 2016, on parle de 162 disparitions et seuls 64 enfants retrouvés.

Monsieur le ministre, que ce soient les chiffres de Fedasil ou ceux de Child Focus, pouvez-vous nous dire où sont passés les 98 enfants qui ne sont plus dans les radars? Où sont-ils? Il y a énormément de questions à vous poser. Une première chose que je vous demanderai, c’est d’avoir, dans vos réponses, la ligne du temps de ce qui a été fait. Vous avez apporté des explications mais il faudrait avoir une ligne du temps pour savoir ce qui a été fait en temps réel.

Comment l’accompagnement de ce MENA est-il réalisé au moment de sa présence dans les locaux de l’Office des Étrangers? À quel moment les agents de l’Office des Étrangers ont-ils réalisé qu’il manquait à l’appel? Quelles démarches ont-elles été entreprises? Vous avez dit qu’on avait averti tous les services. Quand? Comment?

Quels services? Quelles sont les autorités auprès desquelles la disparition a été signalée? Par qui? À quel moment? Une autre question nous taraude l’esprit. Vous nous avez donné une définition de la disparition inquiétante selon le parquet, avec des critères, et puis vous avez parlé d’une autre notion. Vous avez dit que l’Office des Étrangers considérait que ce n’était pas une disparition inquiétante. Que signifie « une disparition qui ne serait pas inquiétante » dans la définition de l’Office des Étrangers? Est-elle en harmonie avec la définition de la disparition inquiétante qui est traitée par le parquet? Quelle définition revêt-elle? C’est important de poser la question. À quel moment un contact a-t-il été établi par les agents de l’Office des Étrangers avec le centre d’accueil d’urgence qui a donné l’alerte?

De manière générale, je voudrais poser les questions suivantes sur l’accompagnement social et psychologique des mineurs étrangers non accompagnés.

Comment se passe cet accompagnement? L’enfant est mis dans un taxi et doit se rendre seul dans un centre d’accueil. Un mineur qui ne connaît rien à rien dans notre pays doit aller lui-même dans un centre d’accueil! C’est énorme! Comment va-t-il faire pour revenir à l’Office des Étrangers? Ne trouvez-vous pas qu’il y a un problème dans l’accompagnement?

Quelles sont les mesures prises en amont de l’attribution d’un tuteur?

Comment les autorités administratives gèrent-elles les MENA comme enfants? Quid de l’accompagnement spécifique avant l’entame des procédures? Combien de dossiers MENA les personnes en charge du bien-être de ces enfants ont-ils à gérer? Ce sont des agents de l’Office des Étrangers, ce qui pose la question des moyens de cette institution pour organiser un accueil convenable des enfants mineurs non accompagnés.

Les personnes gérant ces dossiers restent-elles les mêmes pour chaque enfant tout au long de la procédure? Et l’accompagnement est-il assuré par un agent pendant toute la procédure? Si l’agent change, cela occasionne une perte au niveau de la qualité du suivi. En ce qui concerne les disparitions, quelles sont les procédures en vigueur au niveau de l’Office des Étrangers? Quelles sont les mesures qui sont prises pour éviter de telles disparitions? Quelles sont les mesures prises au niveau de l’Office des Étrangers pour assurer le suivi des recherches et la coopération avec les services compétents?

Je voudrais aussi rebondir sur ce que vous avez dit, M. Francken. J’ai évoqué la question de l’accompagnement, en tout cas de l’absence d’un réel accompagnement. Vous avez dit que les services de sécurité n’avaient pas été avertis. Il y a donc un problème de contrôle manifeste. Vous avez aussi pointé le problème du manque de places dans les centres d’accueil. Là aussi, cette question mérite que l’on s’y arrête.

Terminons par la communication. Aujourd’hui, vous communiquez, vous nous expliquez certaines choses. Mais où était la communication? Que s’est-il passé? L’Office des Étrangers est-il en panne? Pourquoi l’Office n’a-t-il pas communiqué comme vous venez de le faire? Pourquoi n’avons-nous pas eu d’informations en temps réel?

Que ce soit au niveau de l’accompagnement, du suivi de chaque cas, des places dans les centres d’accueil d’urgence, du contrôle et de la communication, on peut parler d’un véritable dysfonctionnement de l’accueil des mineurs étrangers non accompagnés par l’Office des Étrangers. La copie est à revoir. Nous comprenons votre empressement à organiser une task force et à mobiliser toutes les ressources. Vous nous répondez tout de suite, avant même que nous ayons posé des questions. Mais nous sommes face à un véritable dysfonctionnement. Il faut prendre la situation en main si nous voulons offrir un accompagnement et un accueil dignes pour ces mineurs étrangers.

Monsieur le président, monsieur le ministre, j’attends des réponses précises à ces nombreuses questions.

Erkan Ozdemir / La Manchette