Fête du Sacrifice : Le juge suit la communauté musulmane et renvoie l’affaire vers la Cour Européenne de Justice
Dans un jugement du 25 juillet 2016, le tribunal de première instance de Bruxelles suit l’argumentation de la communauté musulmane que l’interdiction du sacrifice sans étourdissement dans des aires d’abattage temporaires pendant la Fête du Sacrifice, instaurée par le ministre Ben Weyts, pose problème dans le cadre de la liberté de culte. Le tribunal pose dès lors une question préjudicielle à la Cour Européenne de Justice.
La communauté musulmane de Flandre, représentée par des coupoles d’associations de mosquées nationales, provinciales et locales (un total de 48 organisations), se félicite du jugement du 25 juillet 2016 prononcé par la chambre néerlandophone du tribunal de première instance de Bruxelles.
En février 2016, la communauté musulmane de Flandre a été contrainte d’aller en recours contre le refus du ministre Weyts de continuer à reconnaître des aires temporaires d’abattage qui permettent l’abattage rituel (sans étourdissement) pendant la Fête du Sacrifice. La communauté musulmane est d’avis que la décision du ministre Weyts constitue une atteinte à la liberté de religion garantie par la Constitution belge et par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La décision d’interdire l’abattage rituel dans des aires temporaires, constitue une atteinte directe visant la fête religieuse la plus importante d’une partie significative de la communauté musulmane. Le manque de capacité d’abattage dans les abattoirs réguliers empêche la plus grande partie des musulmans d’immoler un mouton pendant la Fête du Sacrifice annuelle, selon leurs prescriptions et traditions religieuses, et de consommer ensemble la viande halal et de la partager avec la famille et les proches.
De son côté, le ministre a argumenté que, sur base de la législation européenne, il était forcé d’interdire l’abattage sans étourdissement dans des aires temporaires. Le ministre a mis l’accent sur le fait que les abattoirs reconnus apportent une plus-value évidente en matière de bien-être animal et de protection de la santé publique, pour l’abattage sans étourdissement des animaux en comparaison avec les aires temporaires.
Dans son jugement du 25 juillet 2016, le juge réfute ces arguments.
Il constate que les aires temporaires offrent bel et bien des garanties au niveau du bien-être animal et de la santé publique. Le juge se réfère pour cela au rapport d’audit de la Commission Européenne. Le juge constate également que L’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire ne porte pas de jugement plus sévère aux aires temporaires qu’aux abattoirs réguliers.
Le juge observe que les arguments du ministre Weyts semblent plus liés à son désir de forcer la communauté musulmane à trouver des alternatives pour la Fête du Sacrifice, qu’à la conviction que les abattoirs réguliers constituent vraiment un meilleur endroit pour l’abattage rituel. En cela le minsitre dépasse le cadre de son mandat. Ce n’est pas la tâche d’un ministre, d’un législateur ou d’un tribunal de se prononcer concernant l’opportunité théologique de prescriptions religieuses et d’imposer des alternatives.
Concernant le droit européen, le juge est d’avis que l’ordonnance européenne derrière laquelle le ministre Weyts se retranche, pose en effet un problème par rapport à la liberté de religion. Cette ordonnance obligerait les communautés islamiques locales à transformer les aires d’abattage temporaires en des abattoirs réguliers, uniquement pour pouvoir fêter la Fête du Sacrifice une fois par an. Une telle charge financière est disproportionnée selon le juge. Pour l’illustrer il renvoie vers Genk et Beringen, où deux abattoirs ont été reconnus en 2015, et qui ne sont ouverts que pour la Fête: “La transformation d’une aire temporaire en un abattoir reconnu aurait coûté 150.000 euro, et les frais de fonctionnement sont évalués à 61.000 euro.” Le juge observe que des charges financières pareilles sont “considérables et qu’elles ne pourront sans doute pas être facilement supportées par les communautés locales. Il faut rappeler que pour la Fête du Sacrifice de 2014 pas moins de 59 aires temporaires ont été reconnues par la Communauté Flamande.”
Le tribunal conclut que “la Fête du Sacrifice est rendue difficile par une charge financière, alors que ces difficultés ne semblent pas s’imposer dans une société démocratique pour réaliser les buts du bien-être animal et de la santé publique.”
Le juge bruxellois n’est toutefois pas compétent pour déclarer caduque l’ordonnance européenne vers laquelle le ministre Weyts se réfère. Seule la Cour Européenne peut évaluer les ordonnances européennes par rapport aux droits fondamentaux. Le juge décide dès lors dans son jugement du 25 juillet 2016 de poser une question préjudicielle à la Cour Européenne. La décision de la Cour Européenne sera contraignante pour le jugement définitif du juge bruxellois.
La communauté musulmane envisage avec confiance la procédure devant la Cour Européenne, et est confiante que la Cour suivra le juge bruxellois.
La communauté musulmane espère pouvoir retrouver sa véritable Fête du Sacrifice, dans un esprit de fraternité et de solidarité, et dans le respect des droits démocratiques de chacun.
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