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Jeunes Turcs et Marocains de Belgique : Une génération de mal-aimés

Jeunes Turcs et Marocains de Belgique : Une génération de mal-aimés
– Les Turcs de nationalité Belge font, depuis le résultat du référendum en Turquie, l’objet d’une défiance, d’autant plus que des politiciens belges proposent de supprimer la double-nationalité.

AA / Bruxelles / Safa Bannani

Les Turcs de nationalité belge font, depuis le résultat du référendum en Turquie, l’objet d’une défiance de telle sorte que des politiciens belges proposent de supprimer la double-nationalité.
Une étude publiée par la Fondation «Roi Baudouin» fournit des éléments de réponse pour expliquer le fossé grandissant qui sépare les Belges d’origine marocaine et turque, principales communautés immigrées non-européennes, de leurs compatriotes Belgo-belges. Anadolu a interviewé la directrice de l’étude, Corinne Torrekens.

– Une étude aux résultats surprenants

Partant du principe que “la voix de leurs concitoyens étant trop rarement entendue, la perception qu’ils expriment d’eux-mêmes en est d’autant plus précieuse”, l’équipe de la chercheuse Corinne Torrekens a interrogé un échantillon composé de plus de 700 Belges d’origines turque et marocaine.

Une vingtaine de personnalités issues de ces communautés ont été ensuite invitées à réagir aux résultats de l’étude. Le rapport de 200 pages, fruit de ces travaux, livre ainsi une image très différente, parfois surprenante de ces communautés. Il s’agit de trois principales et surprenantes conclusions abordées et analysées.

“Le chômage, la discrimination et le racisme restent des phénomènes vécus de manière importante par les Belgo-Turcs et les Belgo-Marocains. Tel est le cas pour les personnes nées en Belgique.” Première surprise, pour les Marocains et Turcs de Belgique le fait de naître et de grandir en Belgique est un facteur aggravant d’exclusion de la société belge. « Chez les jeunes Belgo-Marocains, naître sur le sol belge a plutôt un impact négatif en termes d’inclusion et de participation à la société belge», confirme la chercheuse.

“Pourtant, la majorité des personnes que les chercheurs ont interrogées se sentent autant belges que marocaines ou turques”, relativise l’étude. Le même document montre d’ailleurs que les jeunes issus de l’immigration et qui sont nés sur le sol belge “sont [plus] conscients de leurs droits” et “exigent l’égalité en refusant les injustices sociales”.

“Cette génération a accès aux études supérieures. Les jeunes belgo-turcs et belgo-marocains ont des attentes plus importantes que le reste des migrants. Ils ne sont donc pas prêts à accepter n’importe quel job qui n’est pas équivalent à leur parcours académique. Ces jeunes se comparent davantage à leurs concitoyens Belgo-belges en exigeant un traitement égalitaire”, explique la chercheuse. Or, les discriminations qu’ils subissent “donnent à ces jeunes l’impression d’être différents des Belgo-belges. Ce qui occasionne repli et ressentiment. Un repli qui peut déboucher, dit-elle, sur une défiance de la démocratie, et potentiellement, sur la radicalisation. “S’il y a des jeunes qui sont moins sensibles aux valeurs démocratiques, c’est aussi parce qu’ils ont l’impression que ces valeurs ne s’appliquent pas à eux et donc ne les concernent pas”, fait remarquer Corrine Torrekens.

– Une génération diplômée et acquise aux valeurs de la démocratie

Deuxième surprise de ce rapport au regard de l’exclusion vécue, cette génération adhère largement aux valeurs démocratiques. Le rapport indique que les Belgo-Turcs et les Belgo-Marocains, adhèrent de façon très majoritaire au système démocratique (80%), à la séparation des affaires religieuses et de l’Etat (70%), à la liberté d’expression (73%).

L’étude relève qu’une classe moyenne composée par des diplômés aux revenus élevés a émergé en Belgique. Les statistiques soulignent une augmentation de la proportion de Belgo-Marocains et Belgo-Turcs diplômés de l’enseignement supérieur. Les revenus également sont en nette hausse par rapport aux statistiques de 2009, où seuls 2,2 % des Belgo-Marocains rentraient dans cette catégorie. L’étude a recensé plus ou moins 20 % des Belgo-Turcs et Belgo-Marocains gagnant plus de 3.000 euros bruts par mois.

– «Une diversité de pratiques religieuses»

L’étude minutieuse des pratiques religieuses au-delà des préjugés habituels sur l’islam est “la première à avoir des statistiques sur l’ensemble des pratiques religieuses de la communauté musulmane en Belgique”, affirme Corrine Torrekens. “Les Belgo-Turcs et les Belgo-Marocains sont très majoritairement fiers d’être musulmans”. Mais à contre-courant des idées reçues, cette fierté identitaire et la pratique de l’islam n’a pas d’impact négatif sur la participation à lavie publique telle que la participation politique ou le sentiment d’appartenance à la Belgique. La co-directrice de l’étude fait remarquer “une diversité de pratiques religieuses”. Elle explique “qu’il n’y a pas une seule façon d’être musulman”. Elle se réfère à “la fréquentation des mosquées qui varie d’un musulman à un autre ».

«Il y a des Musulmans qui y vont tous les vendredis, d’autres qui y vont tous les jours et d’autres qui y vont d’une manière occasionnelle”, souligne-t-elle.

Les Musulmans dans leur diversité, choisissent la pratique qui corresponde le mieux à leur rythme de vie, à leur façon de vivre et à leur interprétation des textes religieux”, conclue-t-elle.