La Monnaie/De Munt : Alain Altinoglu prend la baguette pour l’opéra « Lohengrin »
La dernière fois que les cygnes de Lohengrin ont amené leur chevalier du Graal à la Monnaie, c’était il y a plus de 25 ans. Annoncé à plusieurs reprises lors des saisons précédentes, cet opéra populaire de Richard Wagner est enfin programmé. Avec Alain Altinoglu à la direction et Olivier Py à la mise en scène, cette nouvelle production devrait mettre des étoiles dans les yeux des spectateurs !
En 1841, Richard Wagner (1813-1883) prend connaissance d’un écrit de Christian Theodor Lucas sur les légendes allemandes. L’ouvrage l’inspire et va servir de base à tous ses opéras ultérieurs. Le projet de Lohengrin – nom tiré de l’ancien français « li loheren Garin » (Garin le lorrain) – mûrit les années suivantes, durant son séjour à Dresde, en parallèle à son travail sur Les Maîtres chanteurs et à la création de Tannhäuser. Enrichi de plusieurs autres sources, Wagner achève son livret en vers en 1845 et la partition trois ans plus tard. Les événements politiques le jettent sur les routes de l’exil avant d’avoir vu la création de ce nouvel opéra, mais Liszt s’en charge à Weimar en 1850. L’incompréhension que soulève sa musique de prime abord – « que du bruit, vacarme infernal » écrit un critique de l’époque – s’estompera dans les mois qui suivront avant de connaître un enthousiasme délirant en Allemagne puis dans le reste de l’Europe – l’oeuvre est créée dès 1870 à Bruxelles – et d’apparaître comme un sommet de l’opéra romantique.
Le récit mêle histoire et mythe, conte et tragédie : accusée du meurtre de son frère Gottfried par Friedrich von Telramund, la princesse Elsa de Brabant est sauvée par l’arrivée d’un mystérieux chevalier. Celui-ci épargne l’accusateur et épouse Elsa malgré le silence qu’il impose sur son identité. Dans l’espoir de se venger, Telramund et sa femme Ortrud sèment le doute dans l’esprit de la princesse qui pose la question interdite. Le mystérieux chevalier, que l’on découvre fils de Parsifal et inspiré par le Saint Graal, s’éloigne à jamais, non sans avoir délivré le frère du sortilège d’Ortrud.
La partition est l’affirmation d’une couleur symphonique déjà très personnelle, portée par une écriture musicale puissante et vigoureuse. Dès l’ouverture – plutôt prélude symphonique – le son étiré et envoûtant nous introduit dans l’univers magique de Lohengrin avant de nous en faire pressentir la fin. Nul besoin d’être wagnérien confirmé pour apprécier la puissante magie de cette oeuvre, qui est sans doute l’opéra de Wagner le plus attachant. Alain Altinoglu, à la tête de l’Orchestre symphonique et du Choeur de la Monnaie, dirigera cette partition magistrale qu’il a déjà dirigée à Bayreuth.
Aucune autre oeuvre d’opéra n’a fait couler autant d’encre que celles de Richard Wagner. Et l’on débat encore de l’influence de sa personnalité et de son art sur la pensée socio-politique et esthétique du spectateur d’opéra, comme sur l’histoire culturelle allemande dans son ensemble. Friedrich Nietzsche, Charles Baudelaire, George Bernard Shaw, Thomas Mann, Theodor W. Adorno, Alain Badiou, parmi nombre d’autres écrivains, musicologues, philosophes et critiques musicaux, se sont interrogés sur cette problématique et ont théorisé pour ou contre Wagner. Le metteur en scène Olivier Py s’inscrit aujourd’hui dans ce riche débat, non pas avec un stylo mais avec une nouvelle mise en scène de Lohengrin.
Contrairement à Tristan und Isolde, Tannhäuser et Der fliegende Holländer qu’il a déjà mis en scène, Lohengrin est une oeuvre dans laquelle on ne peut tout simplement pas esquiver le débat politico-culturel autour de Wagner. Car nous y percevons l’admiration devant le chef autoritaire et puissant, car nous y croisons des sauveurs mystiques (Lohengrin) capables d’enflammer le peuple et de le conduire à la victoire, car nous y percevons certains des slogans que le Reich allemand emploiera pour stigmatiser la menace extérieure, il nous est difficile d’adhérer à cette vision du monde. Sur le plateau d’un théâtre en ruines, à l’aide des images et des grandes icônes de la culture germanique, Py se retourne sur l’histoire d’une nation et s’interroge sur la place et la responsabilité des artistes dans la société contemporaine.
Les précédentes mises en scène de Py à la Monnaie, Les Huguenots (Meyerbeer) en 2011, Hamlet (Thomas) en 2013 et Dialogues des Carmélites en décembre 2017, sont restées dans les mémoires du public et de la critique parmi les grands moments du théâtre. Le Français réunit à ses côtés l’équipe qui l’accompagnait déjà sur ces trois projets antérieurs, avec notamment Pierre-André Weitz pour les décors et costumes, et Bertrand Killy pour les éclairages. Les Choeurs de la Monnaie seront préparés par leur chef Martino Faggiani.
La Monnaie a choisi de présenter cette nouvelle production de Lohengrin avec deux très belles distributions en alternance. La basse hongroise Gábor Bretz débutera à la Monnaie dans le rôle du roi Heinrich der Vogler.
DISTRIBUTION
Direction musicale – ALAIN ALTINOGLU
Mise en scène – OLIVIER PY
Décors & costumes – PIERRE-ANDRÉ WEITZ
Eclairages – BERTRAND KILLY
Chef des choeurs – MARTINO FAGGIANI
Heinrich der Vogler – GÁBOR BRETZ
Lohengrin – ERIC CUTLER, JOSEPH KAISER*
Elsa von Brabant – INGELA BRIMBERG, MEAGAN MILLER*
Friedrich von Telramund – ANDREW FOSTER-WILLIAMS, THOMAS JESATKO*
Ortrud – ELENA PANKRATOVA, SABINE HOGREFE*
Heerrufer – WERNER VAN MECHELEN
Vier brabantische Edle – BERTRAND DUBY, WILLEM VAN DER HEYDEN, ZENO POPESCU, KURT GYSEN
Edelknabe – RAPHAËLE GREEN (MM Laureate), ISABELLE JACQUES (MM Soloist),
VIRGINIE LÉONARD (MM Soloist), LISA WILLEMS (Membre de l’Académie des choeurs de la Monnaie)
INFORMATION GÉNÉRALE
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Erkan Ozdemir / La Manchette