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Signes convictionnels, l’analyse juridique de l’avocat Ibrahim Akrouh : “Un Etat Neutre, des Citoyen.ne.s Libres”

Parmi les leaders de pensées du paysage bruxellois, nous pouvons très clairement compter sur Me Ibrahim Akrouh.

Avocat de profession, Ibrahim Akrouh n’hésite jamais à prendre la plume pour fournir une analyse juridique sur des dossiers que constituent l’actualité.
Dans le cas qui nous occupe, l’avocat Akrouh donne sa vision juridique sur la question de l’Etat neutre et des citoyens libres.

Fort de son expérience légale sur des dossiers parfois très épineux, voici, sous forme de Charte, les principes fondamentaux qu’il met en valeur :

  1. La liberté de conviction est une liberté fondamentale reconnue par la Constitution belge (article 19) et la Convention européenne des droits de l’Homme (article 9) ;
  2. Cette liberté est non seulement une liberté de conviction (penser, croire, …), mais aussi une liberté d’expression publique de cette conviction (exprimer individuellement, et collectivement, tant en privé que dans l’espace public) ;
  3. Comme toute liberté individuelle, le.la citoyen.ne, même agent.e dans la fonction publique, qui entend s’en prévaloir n’a pas à s’en justifier ;
  4. De son côté, l’Etat est au service de l’intérêt général. Ses administrations doivent donc être au service de tou.te.s, sans que ce service ne puisse varier du fait notamment de la couleur de peau, de l’origine, de la condition sociale, des convictions, de caractéristiques ou de choix personnels de l’usager.e du service public. En ce sens, l’Etat et ses administrations sont neutres ;
  5. Les agent.e.s de la fonction publique ne sont pas l’Etat. Ils sont des citoyen.ne.s au service de l’Etat, qui est lui-même au service des citoyen.ne.s ;
  6. Le fait d’être agent.e de l’Etat ne suppose pas d’abandonner ses libertés, y compris la liberté de conviction ;
  7. Rien n’oblige l’Etat et les administrations publiques à exiger une certaine tenue ou une certaine apparence, quelle que soit la signification réelle ou supposée de cette tenue ou de cette apparence ;
  8. La seule exigence absolue de l’Etat vis-à-vis du citoyen.ne agent.e de la fonction publique, c’est que le service qu’il.elle rend ne puisse varier en fonction notamment de la couleur de peau, de l’origine, de la condition sociale, des convictions, de caractéristiques ou de choix personnels de l’usager.e du service public ;
  9. Il n’y a aucun lien entre l’apparence et l’égal traitement des usager.e.s du service public : un.e agent.e dont les convictions ne sont pas publiques peut discriminer les usager.e.s, de même qu’un.e agent.e dont les convictions sont publiques peut traiter les usager.e.s de manière égalitaire.
  10. La neutralité d’apparence n’existe pas. Toute apparence (physique, esthétique, sociale, convictionnelle, …) est susceptible, sur base de stéréotypes ou de préjugés, de faire naitre des craintes dans le chef de l’usager.e de service public. Une société démocratique, libre et pluraliste, suppose que l’usager.e dépasse l’apparence de l’agent.e pour apprécier, dans les faits, son sens de l’égalité, son dévouement et son engagement au service de l’intérêt général.

Erkan Ozdemir / La Manchette